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Cinéma Analyse

Black Panther : Erik Killmonger, un excellent antagoniste sous-exploité

Lorsqu’il s’agit de faire un film sur les super-héros, peu importe la firme, il est important d’attribuer au personnage principal – le super-héros – un antagoniste à la hauteur, même si cette caractéristique, qui paraît primordiale, semble être progressivement abandonnée par les productions récentes. Pourtant, l’antagoniste d’un film donne une bonne raison au héros d’agir et donc à l’histoire de se dérouler. Un bon antagoniste pourrait se définir comme ayant de vraies convictions. Il doit être prêt à tout pour atteindre son but et disposer des capacités physiques et/ou mentales nécessaires pour faire douter le héros, voire le détruire. Enfin, ses actes doivent avoir de vraies conséquences dans l’histoire, afin que le spectateur se rende compte de son impact dans le récit. Le Marvel Cinematic Universe, souvent critiqué pour son manque de méchants mémorables montre, avec Erik Killmonger (Michael B. Jordan) dans Black Panther, un vilain qui remplit toutes les caractéristiques susdites. Sauf que la formule de l’écurie Disney Marvel freine son développement.

Erik « Killmonger » Stevens se présente dans le long-métrage de Ryan Coogler comme un révolutionnaire en quête de vengeance. Venant d’un quartier pauvre où il a vu son père mourir, une seule chose l’alimente : la haine ; la haine pour la misère dans laquelle il a dû vivre toute son enfance, la haine envers la discrimination raciale qu’il a dû subir, mais aussi la haine envers son peuple d’origine, le Wakanda. C’est avec cette source d’alimentation empoisonnée qu’il va se construire et se préparer pour son combat contre l’appropriation culturelle qu’il constate dans un musée aux États Unis sur l’art africain, mais surtout son combat contre l’isolationnisme du Wakanda. Etant une nation bénéficiant du vibranium, une source d’énergie universelle, le royaume du roi T’Challa (Chadwick Boseman) préfère se cacher à la vue de tous et être le seul exploitant de cette ressource. Cet état d’esprit révolte Erik qui énumère les nombreuses souffrances que peuvent endurer les peuples africains partout dans le monde. Il se donne alors les moyens d’affronter le roi panthère et de réclamer son trône pour « renverser la balance et réécrire l’Histoire ». Black Panther montre au spectateur, non pas un énième méchant obstiné à vouloir conquérir l’univers, mais un homme rongé par la rage et la haine, prêt à faire tout ce qui est en son pouvoir pour sauver ses semblables. 

Cependant, la méthode qu’il souhaite employer s’avère être beaucoup trop radicale, ce qui indique donc qu’il sera perçu comme l’antagoniste principal, malgré le fait que T’Challa puisse comprendre son point de vue. Le doctrine d’Erik consiste à tuer tous ceux qui se mettront en travers de son chemin. Pour devenir la machine létale qu’il est, il a suivi un entraînement dans de nombreuses forces spéciales qui opèrent en Black Ops. C’est d’ailleurs dans cet environnement qu’il reçoit son surnom, dû au fait qu’il a une capacité extraordinaire à tuer plus vite que son ombre. Pour récupérer le trône qui lui revient de droit, il se débarrasse de son « associé » Klaue (Andy Serkis), qui n’était en fait que son billet d’entrée pour le royaume des panthères. Une fois là-bas, il récupère immédiatement son trône en battant T’Challa, avant de poursuivre sa volonté d’effacer toute trace du passé pour recréer une nouvelle Histoire, la sienne. Erik ne s’attend pas à ce qu’il y ait d’autres rois après lui ; il était comme persuadé que parmi les nombreux cadavres qui allaient s’empiler, le sien s’y trouverait également. Cela montre son côté suicidaire et peu soucieux de la mort, mais surtout sa détermination : il est prêt à tout donner, même la mort, pour pouvoir renverser la hiérarchie mondiale.

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Malheureusement, le personnage de Killmonger ne fonctionne qu’à moitié car Black Panther fait partie d’un univers partagé censé être cohérent. Ryan Coogler, le réalisateur, ne pouvait donc pas faire tout ce qu’il voulait sur son long métrage, d’autant plus que quelques semaines avant la sortie, la bande-annonce de Avengers : Infinity War montrait des scènes au Wakanda avec le roi panthère en pleine forme, ce qui stipulait déjà que les conséquences de son film solo seraient moindres. De ce fait, les standalone movies (les productions n’ayant aucune relation avec d’autres d’une même saga) ne seront plus possibles dans le MCU puisque seuls les films à réunion, tels que Avengers, pourront impacter l’histoire principale. C’est pourquoi, Black Panther abandonne parfois son propos afin de privilégier le spectacle parce qu’il y a un cahier des charges à remplir. La forme prend le dessus sur le fond. Quand Erik s’empare du trône et décide de partager la technologie wakandaise pour armer ses « frères et soeurs » des quatre coins du globe, l’intensité se voit rapidement désamorcée par des scènes d’action banales et un déjouement miraculeux faisant de Killmonger le perdant du combat final.

Il devient difficile de savoir si le MCU manque d’audace ou s’il est coincé dans sa propre formule. Les prises de risques ne semblent pas être le mot d’ordre sur la feuille de consignes des films Marvel, contrairement à la Distinguée Concurrence, à savoir DC Comics. Dans Man of Steel, le général Zod (Michael Shannon) « n’existe que pour protéger et servir Krypton » car « c’est pour cela qu’on a programmé sa naissance ». En apprenant que l’ADN de milliards de kryptoniens a été implantée dans le sang de Superman, il se doit de le tuer pour l’extraire et ainsi ramener Krypton à la vie. Dans Batman vs Superman : L’aube de la Justice, Lex Luthor (Jesse Eisenberg) refuse de considérer Superman comme un dieu, car étant un ancien croyant, il n’a constaté aucune intervention divine lorsque son père le battait quand il était enfant. En manipulant Batman, et en profitant des énormes séquelles qu’a causées le combat entre Superman et Zod – combat qui a d’ailleurs divisé l’opinion publique concernant l’homme d’acier – Luthor arrive à obtenir la mort de Kal-El. Ce dernier perd donc à deux reprises, ce qui a montré que les actes de Zod et Luthor ont eu de l’influence sur la totalité du DCEU (DC Extended Universe) sauf Wonder Woman, étant un réel standalone movie. Il manque à Black Panther un aspect global. Les agissements des personnages ne sont pas suffisamment abordés, cela se remarque notamment dans la scène où la panthère noire se dévoile en public alors qu’une multitude de coréens le filment avec leur smartphone, ou encore dans la scène où Killmonger devient roi et qu’on ne voit même pas les réactions du peuple wakandais en apprenant qu’il y a un nouveau souverain sur le trône, quelques semaines à peine après l’autre nouveau roi…

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Au final, le fait que le film soit contraint à un certain format et doive remplir une multitude de critères nuit au développement du personnage de Killmonger. D’autres antagonistes tels que W’kabi (Daniel Kaluuya) et ses troupes auraient pu également bénéficier d’un approfondissement, puisqu’ils tournent le dos à T’Challa pour rejoindre Erik alors qu’ils étaient censés lui être fidèles. De plus, l’arrivée tardive de l’antagoniste – il est brièvement introduit au début du film, mais réellement intégré que dans le deuxième acte – ne fait que renforcer le manque de présence maléfique, d’autant plus que Black Panther tente de faire passer Klaue pour le méchant principal juste avant. Du coup, c’est avec une formule assaisonnée de façon nonchalante que l’œuvre la plus caractérielle du MCU s’est vue en partie privée de son meilleur ingrédient.

https://www.youtube.com/watch?v=u8-moTAc-2E

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