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Cinéma

Billet d’Humeur #3 : Quand les jeux vidéo imitent les films… pour le pire

Alors que Hollywood peine à correctement adapter un jeu vidéo au cinéma, les jeux vidéo, eux, ont déjà intégré les codes cinématographiques dans leur narration. En 2001, Max Payne plongeait le joueur dans une ambiance de film noir, lui faisant ainsi ressentir toute la souffrance du protagoniste. Ce fut ensuite le cas pour la franchise Grand Theft Auto, par exemple, qui a toujours tenté de se développer de la manière la plus réaliste possible – avec quelques petites folies, car cela reste un jeu après tout. Cependant, le Cinéma de ces cinq dernières années n’est pas le même que celui d’il y a 17 ans, et la formule des gros studios a bien changé. Alors que des opus comme The Last of us ou Batman Arkham privilégient une histoire solide, engagée et esthétique, d’autres jeux tombent dans le piège dans lequel le Cinéma hollywoodien de divertissement est coincé. Dernièrement, j’ai pu (enfin) jouer à Gears of War 4, et ce sont des larmes de sang qui ont coulé sur mes joues chocolatées une fois l’aventure terminée.

La licence Gears of War, née en 2006 sur Xbox 360, occupe une énorme place dans mon cœur. Il s’agit en effet des seuls titres auxquels je joue réellement et dont le mode campagne vaut vraiment la peine, ce qui est plutôt rare ces dernières années pour les jeux de tir. Gears of War dépeint l’histoire de l’escouade Delta – composée de Marcus Fenix, Dominic Santiago, Damon Baird et Cole Train – qui doit mettre fin à la guerre opposant les humains de la planète Sera aux locustes, des espèces d’intra-terrestres anciennement humains. Au bout des trois premiers numéros, le joueur a vécu une aventure intense, passionnante et pleine de rebondissements, mais il a surtout enfin mis un terme à cette guerre ; le troisième jeu étant particulièrement plus long que les deux précédents. Gears of War 4, qui est le cinquième épisode de la saga – le quatrième opus, Gears of War Judgement, étant complètement inutile et oubliable – et qui est sorti cinq ans après le troisième, devait donc donner une raison aux joueurs d’exister, une raison d’être acheté. Or, le produit, malgré un certain succès, n’a finalement misé que sur la nostalgie, alors que les publicités promettaient une nouvelle ère et que les nouveaux développeurs annonçaient un retour aux sources, à l’essence même de Gears of War. Retenez bien ce morceau.

Le joueur endosse la peau de James Dominic Fenix (dit JD), fils de Marcus Fenix, 25 ans après que ce dernier « ait mis fin à l’existence des locustes. » L’humanité se reconstruit, mais un nouvel ennemi, qui ressemble étrangement à ces anciens humains, fait surface et enlève des hommes et des femmes par-ci, par-là. À JD et ses amis, Del et Kait, de découvrir ce qui se cache derrière cette « nouvelle » menace. Scénaristiquement parlant, le jeu ne fonctionne pas car incomplet. Dans Gears of War 1, les soldats repèrent la base souterraine des locustes et y balancent une bombe. Dans le deuxième opus, une poignée d’ennemis a survécu à l’explosion et se retranche dans la ville de Jacinto que les humains font inonder pour y mettre un terme. Or, dans la fin de la trilogie, les locustes ont évolué en lambents, devenant ainsi plus fort et plus résistant. Marcus, à l’aide de son père, trouve un remède pour tuer instantanément les locustes (puisque les explosions et les inondations ne leur font presque rien). Dans cette nouvelle aventure, JD est banni de l’armée (on ne sait pas pourquoi) qui le poursuit à l’aide de robots (on ne sait pas pourquoi), puis la mère de sa meilleure amie se fait enlever par des monstres (on ne sait pas pourquoi) ; il décide alors d’aller voir son père et celui-ci est aussi pourchassé par des robots (on ne sait pas pourquoi). Par la suite, le reste de l’aventure se résume à partir à la recherche de la mère de Kait, alors que cette dernière est inconnue au bataillon par le joueur qui, forcément, ne compatit pas avec sa situation. Certes, elle dirige un groupe de résistants nommé les Outsiders, mais on ne sait même pas contre qui ils résistent, ni pourquoi. En outre, après huit heures passées à chercher cette charmante dame, le jeu ose se terminer par un cliffhanger venu du fin fond de nulle part. Un vide intersidéral dans la narration, cette impression de remplissage inutile, ces personnages sans âme à l’humour forcé : tout cela me fait étrangement penser à Star Wars VII : Le réveil de la Force. Oh mon Dieu, J.J. Abrams, le réalisateur, avait justement déclaré avant la sortie du film que cette nouvelle saga allait revenir aux sources et à l’essence même de Star Wars.

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Le problème de cet épisode VII est qu’il ne peut pas exister en tant film, mais plutôt en tant qu’introduction, une sorte de bande-annonce de plus de deux heures. Il a été créé uniquement pour annoncer Star Wars VIII. Voici donc là le problème des blockbusters d’aujourd’hui : ils deviennent des DLC, et leurs suites sont des éditions Ultimate ou Deluxe. L’industrie du divertissement a passé un cap dans le marketing puisqu’aujourd’hui, des productions sont mises sur pied pour faire de la publicité d’un autre film qui paraîtra plus tard, ou même d’un jeu, comme ce fut le cas avec l’adaptation cinématographique d’Assassin’s Creed qui n’était qu’un gros coup de marketing pour Assassin’s Creed : Origins, comme l’a reconnu un des producteurs. Autre phénomène similaire, le reboot de Tomb Raider en 2013 qui laissait un goût amer au joueur après une fin complètement bâclée. La plupart des jeux et les films mainstream de notre époque sont vendus dans le mensonge, et de plus en plus de scénarios sont sabotés pour plaire au plus grand nombre possible de personnes. En ce qui concerne particulièrement les jeux vidéo, le fulgurant essor du mode en ligne pousse les développeurs à davantage se concentrer sur sa jouabilité qu’à l’histoire d’un titre. Le mode campagne des jeux de tir se voit être fait à la va-vite sans réel développement. Du coup, lorsque Microsoft Studios annonce que Gears of War 4 est un retour vers la cruauté et l’obscurité du premier Gears, on a beaucoup de mal à le croire parce que cet épisode aura bel et bien besoin de potentiels Gears of War 5 et 6 pour être complet et compris. De manière similaire, on ne pouvait que rire au nez de J.J. Abrams quand il déclarait un retour au mode de production à l’ancienne pour Star Wars VII, alors que ce dernier a été tourné de la même façon que Star Wars I, celui dont il voulait s’éloigner. Bien joué l’honnêteté !

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Au début, les jeux vidéo imitaient le Cinéma, puis celui-ci a commencé à les imiter, ce qui fait qu’actuellement, les deux sont indissociables et il ne faudra pas forcément attendre longtemps avant de littéralement pouvoir jouer à un film. Le mode de production hollywoodien actuel n’est pas prêt de changer puisqu’il permet à la plupart des blockbusters d’exploser les nombres d’entrées au box-office mondial. Et si un de ces films à gros budget échoue en salles, ce n’est pas grave, il se rattrapera avec les ventes de DVD et Blu-Ray, comme c’est le cas avec Justice League. Quant aux jeux vidéo, les développeurs ont bien compris qu’ils pouvaient se faire encore plus d’argent avec les DLC, les différentes éditions de jeu, ainsi que les skins et autres transactions à l’intérieur du produit. Désormais, ils ne sont plus forcément disposés à fournir des opus de qualité – ne venez pas me dire qu’il y a une grosse différence entre Call of Duty World at War et Call of Duty WWII – mais plutôt à vider le portefeuille des gamers jusqu’au dernier centime.

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